Ma peinture prend sa source dans les bas-reliefs des cathédrales, les enluminures, la Renaissance nordique, les bestiaires infernaux, la vaisselle ornementée, la littérature fantasy. J’en isole et déforme certains éléments afin de construire patiemment un espace onirique, qui se dessine portrait après portrait, prenant la forme d’étranges artefacts, de plantes biscornues, de tentatives de larcin.

Depuis 2020, mon travail s’est solidifié autour d’un projet que je souhaite poursuivre. Il s’agit d’une mise en images de la légende de Saint-Christophe. Cette histoire met en lumière quelques éléments qui me tiennent particulièrement à coeur, et dont j’ai toujours essayé de parler de manière détournée dans mes peintures précédentes : la place de l’individu par rapport à la société, la difficulté à faire le «bon» choix, le chaos organisé du monde, la grandiloquence des postures héroïques.

Je souhaite densifier ce récit, loin d’une image unique qui fixerait son personnage principal à un moment de sa vie. Qui était Saint-Christophe ? Quelles étaient ses motivations ? Ses relations avec autrui ? C’est toute la symbolique que l’on a projeté sur la vie d’un homme (quand bien même il ne serait que fictif) que je souhaite interroger, avec ses moments de félicité, de peine, de doute, d’exaltation, de repos.

Actuellement, cela prend la forme de portraits des différents protagonistes de la Légende Dorée de Jacques de Voragine, telle qu’elle est relatée dans le Roi des Aulnes de Michel Tournier. Ces portraits sont pour moi un fil conducteur qui me permet de lentement préciser les motivations de chacun-e d’entre elleux afin de pouvoir les mettre en scène dans des «espaces manquants» de cette histoire.

- Gabriel Nunige, 01.2021